Venez dormir dans ma caverne

Nichée dans l’alcôve surélevée d’une petite caverne, je venais de terminer la rédaction de mon journal de bord quotidien. Le soleil se couchait et la chaleur du jour se dissipait tandis que je savourais la solitude et le silence sans m’en délecter tout à fait.

Celui-ci fut cependant rompu, lézardé de voix humaines qui se rapprochèrent peu à peu. J’aperçus trois silhouettes qui scrutaient les lieux en bavardant. « Merde », pensai-je, en lien avec ma propre sécurité puisque je campais alors sans permission. Préférant surprendre qu’être surprise, je marchai à leur rencontre et les abordai.

– Merhaba!

– Merhaba. Who are you?

– Nous sommes vraiment désolés de vous déranger et ne voulons pas vous faire de problèmes. Nous sommes trois cyclistes venant de l’Écosse et de l’Angleterre et nous allons à Beyrouth à vélo. Nous voulons simplement un abri pour passer la nuit. Est-ce que vous pouvez nous donner la permission de camper ici ?

– Non, ce n’est pas possible. Je suis moi-même de passage ici. Je viens du Canada et j’ai posé mes trucs dans la grotte, là. Il n’y a pas de problème, vous pouvez rester ici, si vous m’aidez à faire du feu. J’ai commencé à ramasser des branchages… »

Les trois hommes se mirent à l’ouvrage, cherchant du bois mort aux alentours. Ils posèrent leur tente près d’un pan de mur, mais pas directement dans l’habitation troglodytique. Mon lit à moi était dans un recoin, près d’un mur tapissé de pigeonniers. Nous fîmes le feu dans la pièce centrale qui était pourvue d’une cheminée, laquelle se révélera être insuffisante puisque nous fumes emboucanés. Puis, nous mîmes notre nourriture en commun et nous racontâmes nos histoires respectives.

L’hospitalité des voyageurs se manifeste même lorsque ni l’un ni l’autre n’est chez soi, ici sous la voûte étoilée de la Cappadoce, à quelques kilomètres d’Ürgüp. Les habitations creusées dans la roche, laissées à l’abandon depuis les dernières évacuations des années 1950, menacent de s’écrouler. Pour les vagabonds de passage, les marcheuses comme moi, les cyclistes comme eux, la belle étoile n’est pas qu’un lieu où dormir : c’est aussi un lieu de rencontre, de fraternité, d’ouverture et d’aventure.

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