Lectures : Mon tour du monde en 1980 jours

Mon tour du monde en 1980 jours couverture

Partir de chez soi pour faire le tour du monde… C’est un rêve que beaucoup s’attachent à réaliser et à retransmettre via un blog ou un livre. Mais le rêve de Jérémy Marie, c’est de le faire en auto-stop, sans payer aucun transport interurbain. Caprice de jeune occidental ? Non, objecte-t-il, une opportunité de voir le monde en dehors de la transaction commerciale qui pervertit les échanges.

Se dirigeant d’abord vers l’est, il rencontre en Bulgarie Ludovic Hubler qui termine son propre périple de cinq ans en stop et qui lui conseille de repartir dans l’autre sens pour profiter des vents favorables. Pour traverser l’Atlantique, Jérémy Marie partira d’abord vers le sud, devenant ainsi le premier globestoppeur tourdumondiste à longer la côte est africaine. Il se dirige ensuite vers l’Amérique du Nord, reportant à plus tard le passage complexe de la jungle du Darién. Dans la neige au Canada, chez les Yankees ou dans les États plus progressistes, il fait preuve de patience, de persévérance voire d’entêtement pour réaliser ce projet selon ses règles et son éthique propre. Après le tour de l’Amérique du Sud, c’est l’immensité du Pacifique auquel il fait face pour rejoindre l’Océanie. En avion-stop puis en cargo, il rallie la Chine avant de s’empêtrer dans le bourbier administratif de l’Asie Centrale et boucler la boucle à Caen, son point de départ.

Ce n’est pas un voyage sans argent mais un voyage simple où l’on voit défiler les pays comme le citadin passe d’un boulevard à l’autre, avec la différence que l’aventurier apprend plusieurs langues au passage : l’espagnol, le portugais brésilien, le bahasa indonesia… Un périple où l’on va parfois en profondeur mais où trop souvent l’on reste en surface car le temps file et les pages défilent…
J’avais des attentes mitigées face à ce livre car, je dois l’avouer, je connaissais déjà la majeure partie de l’histoire. Son tour du monde stop, ce n’est pas une mince affaire, non, c’est un engagement entier pendant cinq ans, cinq mois et cinq jours. Le récit de Jérémy Marie est enlevant et transparent – je lui sais gré d’avoir parlé du harcèlement sexuel vécu en auto-stop, chose rare dans les récits masculins, ainsi que de la façon dont la gent féminine lui chatouillait les sens. L’auto-stoppeur n’est pas fait en bois, en témoigne sa douce rencontre balinaise… Mais je n’en dis pas plus, pour cette histoire, il faudra le lire !

Un bémol cependant à la moitié du récit : les chapitres 13 et 14 m’ont semblé chaotiques, désorganisés, mal ficelés et dénués de toute vibration émotionnelle. Heureusement, cette flamme revient dans les chapitres suivants, à mon avis un peu moins vive certes, mais on s’émeut de nouveau. De plus, l’anthropologue en moi était déçue à chaque description physionomiste essentialiste des différentes « ethnies » rencontrées aux dépends d’impressions plus profondes ou de sages analyses tirées de l’expérience du voyageur.

J’ai aimé son récit dans la rage et dans l’enthousiasme, mais j’aurais aimé qu’il soit raconté avec plus d’émotion. Souvent laconique, aux phrases quasi télégraphiques et saupoudrées çà et là de clichés linguistiques, le style conviendra plus au lecteur occasionnel avide de faits vécus et de biographies qu’aux gourmands gastronomes de récits de voyage, insatisfaits qu’ils seront devant ses périodiques « J’ai mangé ci, je me suis fait couper les cheveux là et c’était bien. » Un road-livre unique, bien différent de celui pondu par Ludovic Hubler il y a déjà trois ans, et bien entendu une lecture obligatoire pour les futurs globe-stoppeurs partant eux aussi circonvoluer le monde.

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