Montpellier-Creuse en auto-stop – traversée par les nationales et les départementales

J’ai pris part samedi dernier à l’édition 2018 de la Madjacques, une course d’auto-stop indépendante et ouverte à tous. Comme pour la première édition, j’y étais de nouveau invitée en tant qu’intervenante, cédant le poste d’animation à Antoine de Maximy, un petit nouveau dans la scène voyage, parait-il…

Mais sur la course, je suis plutôt de type tortue que de type lièvre. Les courses, ça me gonfle et ça n’a d’intérêt que s’il y a un défi de découverte, d’autant plus que le stop pour moi est avant tout un moyen de transport et non un loisir.

Pour ma troisième course en stop, je caressais l’envie de m’imposer de nouveau la même règle que pour les deux précédentes : ne pas prendre d’autoroute mais plutôt les départementales et les nationales. Sans forcément prendre les chemins de traverse, il s’agissait plutôt de parcourir des régions plus sauvages de France, que je les connaisse déjà ou non.

Se targuer de prendre les routes à 90 km/h (bientôt 80 ?), c’est une chose quand on va de Toulouse à Mimizan (270 km, 4h estimé) ou même de Lyon à Cheniers (324 km, 5h estimé). Ça en est une autre quand on est censé partir à deux de Montpellier (481 km, 7h43 estimé)…

Ajoutez à cela l’exigence de partir en binôme, moi la miss qui fait du stop seule quasiment tout le temps (car ça ne me fait qu’un idiot à gérer), même si je prends parfois des « boulets » avec moi.

#SecondDegré

Je n’allais pas imposer pareil défi à mon binôme, même l’été, même avec 14h d’ensoleillement et surtout pas avec notre conférence du lendemain… pas vrai Jules ?

Mais Jules a eu un empêchement de dernière minute. Après avoir pleuré de toutes les chaudes et sincères larmes de mon corps face à ce drame, j’ai choisi la résilience dans l’épreuve et me suis lancée dans mon défi qui présentait un autre avantage : j’étais la seule à quitter Montpellier par le nord tandis qu’à la Mosson, une douzaine d’autostoppeuses et d’autostoppeurs se mettaient en compétition pour qui saura les faire entrer sur l’A75 vers Millau…

Montpellier

« Vous faites de la slackline ?
– Non, j’ai dû déménager la semaine dernière. » Homme mi-vingtaine, voiture en désordre.

Saint Gely du Fesc

Première voiture qui passe. « J’ai vu des gens comme vous vers Juvignac, avec des vestes jaunes. Ils voulaient aller à Gignac mais je n’allais pas par là. » Marocain de Ouarzazate, mi-trentaine.

Saint Mathieu de Trevi

Première voiture qui passe. « J’ai vécu à plein d’endroits parce que mes parents n’arrivaient à se décider pour une ville où pour une autre, puis pour le travail » électricien fin vingtaine qui allait voir ses parents vers Anduze.

Anduze

 

Fourgon d’artisan poussiéreux, fin quarantaine, silencieux, sur quelques kilomètres vers le pont du Gardon.

Pont du Gardon

 

Première voiture qui passe. Guide de groupes de VTT dans les Cevennes, il connaissait l’INpouce car ils leur ont organisé des activités l’an dernier. Il avant la remorque pleine de vélos et le minibus. Jusqu’à la route de la Corniche.

Saint Jean du Gard

Deuxième voiture qui passe. Neo-rural, père de famille amoureux fou des Cévennes depuis 8 ans. Vit en fond de vallée, mais m’a avancée jusqu’au village suivant en me recommandant la meilleure route pour Mende, pas celle des camions.

Pompidou

Dix minutes sans voitures, mais première voiture qui passe… Couple de retraités de Saint-Gély qui avaient peur d’avoir froid vu les sombres nuages. « 40cm de neige ici, il y a quelques semaines encore ! » Allaient à Florac voir une amie. M’ont recommandé un point de vue sur Mende. « Mais pas à pied avec un sac comme le vôtre ! »

Florac – 1

Vieille dame très souriante qui écoutait du Tango. « C’est de la musique de mon époque, mon fils ne l’aime pas.
– Elle vous va bien, c’est apaisant. » Contournement de Florac, sur 2 km.

Florac 2

Vieille dame très dure, a exigé un euro pour me prendre jusqu’à Ispagnac. J’ai accepté à condition que ça lui fasse plaisir. « J’aurais voulu vous offrir un café, plutôt.
– Ah non, c’est trop cher ! On le prend chez moi, le café, si vous le voulez. Je vous avance ensuite.
– OK ! »
Elle m’a raconté le paysage, les chevaux, chacun de ses rosiers, sa vie de solitude comme veuve. Son fils ne lui parle plus. Elle n’a jamais vu sa petite-fille de quatre ans- qui s’appelle Rose. J’étais très émue. Suis repartie avec le coeur gonflé et deux roses parfumées.

Ispagnac (pas la route des camions)

Fin quarantaine, belle femme blonde dans une voiture sport, se rendait à l’enterrement du père de son beau-père.

Mende

Après la traversée de la ville à pied pour rejoindre la départementale allant au nord, deux hommes à la retraite allant jouer à la pétanque avec des amis. Discussions sur la différence, le mariage gay, un papa et une maman…

Saint-Chely d’Apcher

Maman aux cheveux très colorés avec ses trois gamins derrière, travaille pour un sous-traitant de Vuiton.

Saint-Flour

Je passe à Saint-Flour avant la majeure partie du groupe Montpelliérain arrivant par l’autoroute…

Agriculteur renfrogné inquiet de ce que le stop ne fonctionne pas. Traversée de Saint-Flour où la foire battait son plein, jusqu’au village suivant.

Roffiac

Homme fin quarantaine qui fait des travaux, au volant d’un fourgon Renaud qui tombait en miettes.

Murat

Après un refus (un vieil homme dont je n’arrivais pas à comprendre le propos), famille de quatre qui allait compter et trier les moutons dans la ferme d’un ami.

Route vers Riom

Ils m’ont posée sur la D3, au milieu de nulle part devant deux vaches appartenant à leur pote, D3. La route était passante, l’espace où s’arrêter était immense, la pluie menaçait de tomber…

J’ai attendu 1h. Du coup, j’ai fraternisé avec les deux écossaises… Deux jolies rousses !

Christian le voyageur à la retraite m’a sortie de là, après moult hésitations à repartir en sens inverse. Il allait à Riom-es-Montagne, mais il ne s’y est pas arrêté. « J’ai envie de parler avec vous, je vous amène jusqu’au barrage à Bort-les-Orgues » (+26 km)

Bort-les-Orgues

Deux ouvriers au parking du barrage. L’un qui parle et l’autre qui écoute. Voyages voyages, « Non, Ussel n’est pas vraiment un détour vers Meymac, on reprend l’autre route après, ça revient presque au même. » (+6 km)

Ussel

Jeune homme, invitation a boire un coup (et un peu de drague) jusqu’à la Courtine. Râlait contre le propriétaire terrestre qui a un immense terrain de chasse privatisé sur cette route (Domaine de chasse du Mont).

La Courtine

Maman et l’une de ses filles dans une voiture de 32 ans qui cale à chaque intersection, avec des courses plein la banquette. Organise le festin de buffle à la broche de Crocq. Cuisinière passionnée, fait un gros détour sans me l’avouer, même si je m’en doute bien. (+34 km + detour routier à Felletin…)

Aubusson

Joueuse de foot born and raised en Creuse, début vingtaine. « Mais Cheniers, c’est vraiment isolé, même pour la Creuse ! »

Jarnages

« Vous allez où ?
– En fait je ne sais pas, je suis confuse.
– Bah déjà, vous avancez devant, alors je monte et vous m’expliquez ce qui vous arrive ? »

Fin vingtaine, coeur brisé, lettre d’adieu rédigée, projet de mettre fin à ses jours enclenché.

Si tu me lis, n’oublies pas que tu peux m’appeler. Oui l’amour est plus noble que tout, quand il est libre et qu’il nous donne des ailes.

L’amour n’est pas une chape de plomb.

En s’arrêtant, elle s’est donnée une autre chance. J’ai tenu le coup, mais j’étais bouleversée. Je lui ai offert une bière et mon écoute jusqu’à Cheniers. Et mon numéro, au cas où. Je n’ai pas eu de nouvelles.

Donnes-moi de tes nouvelles.

Cheniers

À l’arrivée au festival vers 20h30, j’avais fait du stop plus de 12 heures, mais j’ai marché le dernier kilomètre plongée dans mes pensées. Je me sentais en décalage avec la liesse de l’arrivée.

Faire du stop est un bel exercice de présence et d’écoute. Être aidées nous ramène à la bonté humaine a l’envie d’aider aussi. Les conducteurs sont des héros qui perdent parfois bien d’autres batailles…

 

Merci aux héros de cette aventure!

Longue vie au stop, à l’entraide de la route et à la #Madjacques !


Épilogue

Bus vers Lyon et retour vers Montpellier en auto-stop

Croisé une autre femme au spot de Toulouse. On a stoppé un peu ensemble, puis on s’est séparées après une longue attente sous le cagnard. J’espère qu’elle n’a pas attendu trop longtemps après mon départ, je suis montée avec un routier.

Bon allez, le dernier pour aujourd’hui : deux italiens avec qui je parle en français et en espagnol. Celui avec une dent en or va se marier avec une Haïtienne. Il a voulu que je le briefe sur le processus d’immigration la d’un mariage avec un européen en France.


Posée dans l’herbe de l’aire d’Ambrussum à attendre ma copine qui revient du boulot, des savoyards dans un van me font gentiment signe qu’ils peuvent me prendre si j’ai besoin. #stopinversé

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